Article écrit par Elodie Crézé, pour Marsactu, le 11/12/12
" Le rapport Delarue a jeté une lumière crue sur les conditions de vie inhumaines à l’intérieur de la prison des Baumettes. Seul point positif dans ce tableau à charge : l’existence d’activités culturelles permanentes sans cesse menacées. Rencontre avec ces femmes qui entrent en prison pour ouvrir les esprits. "
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La délinquance, un langage en soi
Dans le cadre de ce projet, deux créations partagées entre détenus et personnes libres vont être présentées lors de l’année capitale, à la Friche de la Belle de mai. La première, Dans la solitude des champs de coton, est une adaptation cinématographique de l’oeuvre de Bernard-Marie Koltès, interprétée entre autres par 27 détenus des Baumettes, réalisée sous l’égide de Lieux Fictifs et la Compagnie Alzhar.
Jeanne Poitevin, metteur-en-scène, estime que la culture est bien plus qu’une alternative au désoeuvrement. "C’est beaucoup plus ambitieux que cela. Chaque personne a quelque chose de créateur en elle qu’il s’agit de révéler. Quand on arrive en prison, c’est qu’on a quelque chose à dire. Il faut être à l’écoute des moindres détails. La délinquance est en soi un langage. Je crois en un potentiel de création, la démarche est vraiment artistique. L’art n’est pas seulement thérapeutique, il est vital. Au départ on est vu comme des connards de bourgeois qui viennent les emmerder. Il faut être tenace pour faire accepter un projet. C’est normal, on vient un peu déranger l’ordre des choses". Dans un documentaire sonore, quelqu’un, bravache, dont on ignore la condition - homme libre ou personne détenue -, divague sur Koltès : "Tu imagines un mec de la Busserine demander du shit à l’imparfait du subjonctif ?". Seule évidence, le texte crée le lien entre ceux du dehors et ceux du dedans.
Caroline Caccavale estime qu’"il faut profiter des contraintes induites par la détention pour travailler autrement. La prison génère des frustrations importantes. Soit tu les subis, soit tu pars du postulat que ces contraintes vont permettre de développer une manière de travail spécifique. Comme la diversité des personnalités, des parcours, des origines et des peines ; même si le minimum retenu pour adhérer au projet est de six mois de détention. Le projet n’a pas plus d’importance pour le dedans ou le dehors, c’est quelque chose qui se nourrit mutuellement. Le choix des participants est subjectif, je sélectionne des gens volontairement très différents". Dans la salle de montage où s’entassent les décors d’une friche industrielle, réalisés pour la pièce de Koltès, quatre binômes s’activent sur la phase finale du projet Des images en mémoire, des images en miroir. Là encore un groupe de personnes libres en France, en Europe et en Méditerranée a travaillé avec des détenus des Baumettes.
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