Le Point.fr - Publié le 04/02/2013 par Marc Leplongeon
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Culture en prison : lorsque la frontière dedans-dehors disparaît
Dix-huit détenus des Baumettes ont participé à une oeuvre cinématographique qui sera présentée en juin dans le cadre de Marseille-Provence 2013. Avant-goût.
L’histoire est celle d’un dealer et de son client. Une adaptation du texte de théâtre Dans la solitude des champs de coton de Bernard-Marie Koltès. Durant deux ans, dix-huit détenus des Baumettes et neuf habitants de Marseille ont été dirigés par les cinéastes Joseph Cesarini et Caroline Caccavale. "On a tous eu l’impression que ce texte parlait de ceux qui le jouaient", explique, émue, Jeanne Poitevin, metteur en scène. "Jouer le texte n’était pas le plus important, nous n’avions aucune direction obligatoire. Il fallait juste livrer ce que nous ressentions", lui répond Christophe, un des détenus. Le résultat est époustouflant. À la fois dedans et dehors, dans la pénombre et la lumière, le spectateur est immergé dans un univers qui ne lui est pas familier.
"Un univers carcéral un peu étouffant", confie Stéphane, seul comédien professionnel de la troupe. L’oeuvre a été tournée dans deux endroits différents, néanmoins identiques. Le lieu de production artistique marseillais la Friche Belle de mai a été choisi. Le cadre, froid et austère, fait de bitume et de béton, a été reproduit à l’intérieur de la prison dans un espace de 400 m2. Les comédiens venus du "dehors" ont joué aussi bien dans l’enceinte des Baumettes qu’à l’extérieur. Le dessein de cette oeuvre ? Faire disparaître, le temps d’un projet, la différence entre le "dedans" et le "dehors".
"On est renvoyés à soi" (spectatrice)
Vendredi soir au WIP de la Villette à Paris, un extrait de vingt minutes (l’oeuvre entière dure deux heures) a été projeté. Une soixantaine de personnes sont regroupées au milieu de la salle. Les spectateurs, debout, sont entourés de quatre écrans géants. Une configuration oppressante. Soudain, un son, une image. Le visage d’un prisonnier - ou peut-être d’un habitant ? - apparaît à l’écran. Un plan rapproché d’une deuxième personne lui répond sur un autre écran. Et ainsi de suite. L’histoire est lancée. La conversation est engagée entre le dealer et son client. Le spectateur se tourne et se retourne. Les gens se rapprochent, les regards se croisent. Le spectateur n’en est plus un et se retrouve enfermé entre les murs de l’image et du son. "On est renvoyé à soi", remarque une femme.
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