Documentaire - 2008, de José Césarini
Le Centre Culturel Una Volta à Bastia a réalisé un atelier de création avec les élèves de CIPPA du collège Simon Vinciguerra, supervisé par des artistes ce projet s’articule autour de trois volets, un livre, un film, des photographies. C’est dans le cadre de cet atelier de création que Lieux Fictifs a répondu à la demande de mettre en place pendant une semaine un atelier cinéma sous la direction de Joseph Cesarini.
Portraits croisés
L’idée de ce travail est au départ de réunir des adolescents autour de créateurs et de leur proposer de parler de leur histoire en tant que jeunes citoyens inscrits dans l’histoire de la cité ; de créer à partir de l’image, réelle ou imaginaire, que l’on peut avoir de son histoire, de l’histoire de sa lignée, et de comment elle se développe dans un espace urbain donné, à savoir Bastia et plus particulièrement son centre ancien.
L’atelier cinéma était mené en même temps que l’atelier d’écriture dirigé par Ricardo Montserrat. Le matin les élèves avaient l’atelier d’écriture, l’après midi ils allaient rencontrer les gens, repérer les lieux et tourner les séquences. L’idée était de " dire " avec des mots dans un premier temps et de " faire dire " à l’autre, dans un deuxième temps, le but étant d’aller à la rencontre de l’autre, sous forme d’entretiens filmés, de provoquer l’échange, de le rendre tangible et constructif.
Ces deux ateliers ont donc étroitement travaillés ensemble pour donner naissance à un livre et à un film.
Dans le Livre « Portraits de travers de la rue droite » les élèves racontent avec leurs mots : leur quartier, leur vie, leur quotidien, leurs histoires, leurs secrets, leurs rêves d’amour et d’indépendance et la manière dont ils perçoivent leur futur. Les textes ont été traduits en corse par les étudiants de la filière Studi Corsi de l’Université de Corte sous la direction de Patrizia Guattaceca enseignante et en arabe par Amhed Idrissi enseignant.
Dans le film « RDA » les élèves, issus pour la plupart du Centre ancien de la ville de Bastia, nous parlent de leur quartier à travers le regard des habitants chacun d’eux nous amènent à leur rencontre et les questionnent sur leur quartier. « RDA » signifie Rue Des Arabes : les jeunes du quartier le revendique haut et fort cette appellation n’a rien de péjoratif c’est pour eux une manière d’affirmer leur appartenance à une identité et de la revendiquer fièrement.
Pour Lieux Fictifs c’est une première expérience de travailler avec des jeunes adolescents mais le sens d’un tel travail, même si le temps de création reste très court, c’est de faire en sorte que ces jeunes le plus souvent en désinsertion et qui se dévalorisent énormément, ne soient plus victimes mais auteurs de leur histoire.
Il était une fois
Extrait de l’un des textes rédigés par l’un des jeunes auteurs
Il était une fois une épicerie,
Raymond tenait l’épicerie.
Raymond, c’est son vrai nom,
On dirait un nom d’avant,
Un nom du temps où la rue allait tout droit jusqu’au port,
Un nom à faire pleurer Edith Piaf,
Mais c’était son vrai nom, Raymond.
Les jeunes du quartier essayaient de la payer
Avec des faux billets mal photocopiés,
Ils le faisaient exprès pour le faire rager,
Car les colères de Raymond étaient célèbres dans le quartier tout entier, des colères de cinéma.
L’épicerie de Raymond était une épicerie de cinéma.
Raymond-Raimu, Raymond-Gabin ou Raymond –Fernandel.
Chacun dans la rue jouait son rôle
Mais le meilleur était Raymond.
Raymond prenait les billets,
Les levait très haut pour voir s’ils étaient vrais
Et quand il s’apercevait qu’ils étaient faux
Il se mettait à gronder.
Les jeunes s’enfuyaient.
Raymond gardaient les faux billets
Et quand les jeunes revenaient un jour
Pour faire de vrais course, avec de vrais sous,
Il rendait la monnaie avec de faux billets.
— Mais monsieur Raymond, ils sont faux.
— Ce n’est pas possible, c’est toi qui me l’as donné, l’autre jour.
Regarde, sur le billet, j’ai écrit ton nom et la date.
Comment sais-tu qu’il sont faux ?
— Regardez, monsieur Raymond !
— Toi plus tard, tu feras un bon commerçant !
Quand un vieil arabe entrait, Raymond le suivait dans l’épicerie.
— Ce n’est pas à un vieux juif qu’on apprend à faire les grimaces.
Des fois, de vieux Arabes alcooliques entraient dans l’épicerie
Pour lui voler des bières.
Raymond les mettaient dehors en les harcelant de gros mots !
— T’es de quelle religion, toi ?
Tu fais la leçon à ta femme, parce que t’es musulman et tu bois comme un infidèle ?
Tu enferme tes filles et tu bois comme un païen ?
Le Centre Culturel Una Volta présente depuis le 25 Novembre et jusqu’au 5 décembre les photographies de Antoine Giacomoni, le livre « Portaits de travers de la rue droite » dirigé par Ricardo Montserrat ainsi que le film « RDA » de Joseph Cesarini qui est inclus dans le livre en copie DVD.