Ingrid Merckx
Politis
« (…) 9m² pour deux ne quitte pas la cellule. Pas de promenade, pas de séance visible au parloir, pas de gardien non plu, la porte ne s’ouvre même jamais. Le film s’en tient au huis clos et à l’intimité qu’il coffre. L’unique tentative de faire intervenir une tentative – un voisin de cellule qu’un détenu interprète par la fenêtre – échoue. En dépit du miroir glissé à travers les barreaux, on ne verra pas le visage de l’autre. On entendra seulement sa voix. Désincarnée, comme celle qui sort du poste de radio. 9m² pour deux est fait exclusivement de face à f ace, de côte à côte et de dos à dos qui, en une série de plans-séquences, déclinent des réactions en chaîne. (…) La caméra se heurte aux murs, tangue, peine à faire la mise au point. (…) Elle revient donc sur ses pas, zoome sur un détail, un torse, un geste, un objet. Elle dit, par ses mouvements mêmes, la restriction du regard, la répétition, l’ennui, le manque de perspective. De temps en temps, elle bascule sur elle-même pour changer de main. Le visage de celui qui la tenait apparaît alors dans le cadre. La prise en main du petit appareil tient de l’exercice. L’enjeu : non pas passer le temps, mais montrer comment il passe. (…) Comme la solitude anxieuse de celui qui, pendant le sommeil de l’autre, continue à dialoguer avec la caméra, jouant avec les lumières de la nuit, finissant par plonger son regard dans le boîtier noir, qui ne le renvoie à rien d’autre qu’à lui-même. »